La vie d'un légume à l'heure de la sortie de l'Oléocène
Le légume
Analysons la vie d'un légume Espagnol ou Hollandais, acheté dans un supermarché en France. Il est de production industrielle, forcément.
Sa culture a nécessité des engrais et pesticides issus du pétrole et
transportés avec du pétrole. Sa production a nécessité une mécanisation
consommatrice de pétrole et d'énergie électrique. Son acheminement en France,
son stockage et sa distribution vers le revendeur sont également dépendants du
pétrole. Les supermarchés étant loin des centres urbains, sa vente dépend
également du pétrole.
Quel que soit le produit acheté dans la grande distribution (alimentaire,
électronique, outillage, équipement, etc), il est probable que sa production et
son transport seront totalement dépendants du pétrole. D'un bout à l'autre de
la chaine. C'est un circuit long. L'opération n'est rentable qu'en optimisant
tous les flux de cette chaine. Et le talon d'Achille du système, c'est le
pétrole, et éventuellement les intempéries. Des millions de personnes dans le
monde n'ont plus que ces solutions-là pour se nourrir. Elles sont en grand
danger.
Analysons maintenant la vie d'un légume de production paysanne destiné à un marché local.
Le producteur est une entreprise familiale. La culture de ce légume utilise des ressources locales en engrais naturel et pesticides naturels si besoin, ( ah! purins de tanaisie, consoude et prêle....) La mécanisation est minimale voire inexistante. L'acheminement direct vers le consommateur (AMAPs, Voisins de panier, vente directe, coopérative), peut se mesurer en mètres. Ce circuit ne nécessite que très peu d'énergie et donc, n'est pas dépendant de l'économie des ressources fossiles. D'un bout à l'autre de la chaine, le producteur et le consommateur maitrisent l'économie du système. C'est un circuit court. Le talon d'Achille du système, c'est le lumbago du producteur.
Le pétrole
L'Asie est devenue l'atelier de la planète, mais est dépendante de l'énergie et des matières premières qu'elle importe massivement. Sa population veut désormais des voitures comme dans les pays riches. Entre Inde, Chine et Afrique, un milliard de voitures supplémentaires seraient attendues dans les 10 ans qui viennent. On ne parle pas de la pollution qui peut en résulter, tellement ce sujet est mineur vis-à-vis des problématiques alimentaires.
Nous vivons en ce moment, depuis 2010, le moment où la demande en pétrole égale et commence à dépasser la production ( selon l'Agence Internationale de l'Energie et diverses publications scientifiques). La conséquence est, qu'après le plateau de stabilité que nous vivrons encore quelques dizaines de mois, nous allons voir le prix du pétrole monter régulièrement et ne plus jamais redescendre. Dans les pays pauvres dépendants de leurs importations de céréales, il y aura vite conscience qu'il faut abandonner les cultures 'de confort' pour les pays riches, comme café ou cacao, et se consacrer aux cultures alimentaires. Les traditions agricoles sont encore très vivaces.
Dans les pays riches, le bouleversement sera bien plus important. Politiquement, socialement, économiquement, techniquement. Les plus grandes zones urbaines du monde vont avoir du souci à se faire pour leur alimentation. Plus un pays aura eu son économie dépendante du pétrole, comme les USA par exemple, plus la reconversion sera difficile et génératrice d'une énorme instabilité. Le nouveau tiers-monde est là, avec toutes les turpitudes d'un tiers-monde.
Mais avec l'engouement actuel pour l'écologie, personne n'aurait peur d'aller à nouveau manier la terre, comme nos grand-parents le faisaient, au lieu de rester une heure de plus devant les écrans lobotomiques ?
Nous avons mis moins d'une centaine d'années pour mettre la planète à genoux, pour perturber des équilibres qui nous sont cependant vitaux. Il est temps d'arrêter au plus vite cette destruction, et de mettre en place toutes les alternatives possibles autour de nous. Il est illusoire de croire que nos idées puissent rapidement prendre le dessus sur les intérêts financiers qui maitrisent nos espaces politiques. Seul le développement viral de nos actes recèle une vraie efficacité. Notre légume terreux est bien plus riche que le votre.