13 novembre 2025, Jean-Noël Montagné
Pour la trente et unième fois depuis 1995, des représentants de la majorité des pays vont se réunir devant la presse mondiale pour déplorer le changement climatique, ses désastres, et leur coût croissant. Deux semaines de visibilité, de combat et d’espoir pour les activistes, deux semaines de discrétion et de pressions sans limite pour les lobbyistes, deux semaines d’affichage, de pragmatisme et de greenwashing pour les décideurs politiques.
Au final, quelques petites avancées bien médiatisées vont alimenter l’espoir d’aller un jour vers la réduction des émissions de Gaz à Effet de Serre (GES). En attendant, les émissions augmentent, le désastre s’amplifie, les perspectives s’assombrissent. Il y a un contraste saisissant entre trentre ans d’efforts pour rassembler ces décideurs, et le peu de résultats pour la planète. Les émissions de GES n’ont baissé qu’au moment du COVID.
Les COP sont-elles encore utiles ?
Que la quasi-totalité des dirigeants mondiaux se réunissent pour évoquer la plus grave crise de l’humanité est un point positif. Une crise systémique ne peut se régler que par l’implication de tous. En cela, les COP sont incontournables.
Un autre point positif est la médiatisation mondiale du problème climatique, qui favorise la prise de conscience des populations s’informant correctement, populations malheureusement en baisse face au nivelage cognitif des réseaux. L’impact médiatique des COP se répercute bien mieux vers la jeunesse et l’éducation.
Mais ce sont bien les seuls effets positifs. Pour la majorité de la planète, il n’est qu’un seul mot d’ordre: business as usual, le climat passera après.
Résultat sans appel: les émissons de GES augmentent chaque année.
Les dernières mesures climatiques devraient pourtant nous mettre en garde: l’objectif de limiter la hausse de température globale à 1,5° est désormais derrière nous, à peine dix ans après son évocation comme objectif des Accords de Paris.
Mauvaises nouvelles du climat, ne rien cacher.
Le GIEC parle maintenant de plus de 4° de réchauffement global à la fin du siècle, dans le scénario le plus pessimiste, celui qui colle à notre comportement actuel. Une catastrophe. Pire, les scientifiques nous avertissent que ces prévisions ne prennent pas en compte les inévitables effets d’emballement. Ces terribles rétroactions positives sont susceptibles d’advenir autour de 2 degrés de réchauffement, autrement dit, demain, avec des accélérations du réchauffement dont on ne peut pas mathématiquement modéliser l’ampleur, tellement les impacts possibles sont complexes et interdépendants. On étudie désormais le scénario de la planète-étuve.
A moins d’un cataclysme météoritique, volcanique ou atomique, ce que nous émettons et ce que nous avons déja émis continuera à réchauffer l’atmosphère pendant des siècles. Ainsi, nous ne devons plus cacher que nous n’échapperons pas, dans ce siècle, à des bouleversements majeurs, croissants et simultanés. Des catastrophes qui n’épargneront personne. Montée des eaux, sècheresses, canicules, ouragans, inondations, proliférations biologiques, désastres agricoles, avec leurs conséquences durables sur nos écomies, nos infrastructures, nos modèles politiques et sociaux. Il ne s’agit pas de catastrophisme, mais de réalisme. Que pouvons-nous faire ?
Au niveau climat, avec une politique mondiale adaptée, nous pouvons seulement limiter la casse pour réduire la violence des effets, tenter de ne pas franchir des points de bascule.
Au niveau médiatique, nous devons associer ce réalisme avec la désignation des bonnes cibles, avec la description des stratégies d’atténuation: un changement de système, idéologique, technique, politique et social.
Le modèle des COP en échec
L’impuissance des COP à influer sur les émissions de GES est donc de plus en plus génante, et menace même la pérennité des COP dans le futur. Les raisons de l’échec sont pourtant simples. Non seulement les COPs génèrent une politique de petits pas, mais de plus, ces petits pas sont non-contraignants. Ce ne sont que des engagements, qui peuvent être remis en question au mandat politique suivant, comme le montrent Trump, Milei et leur cohorte de climato-dénialistes.
Certes, des sommes de plus en plus grandes sont allouées à des stratégies ponctuelles d’adaptation, ou mieux, d’atténuation, mais sans prendre en compte que nous sommes dans un problème systémique, qui nécessite des décisions systémiques, c’est-à-dire à l’échelle planétaire. Des décisions majeures dans lesquelles tout le monde travaille dans la même direction. Il faudra probablement attendre un cataclysme d’ampleur planétaire pour qu’on commence enfin à changer de logiciel.
En attendant le désastre
Conscientes des enjeux, des grandes villes, comme Paris, informent les populations sur les températures d’été à plus de 50°, d’ici 25 ans, alors que les centrales nucléaires et d’autres infrastructures essentielles seront arrêtées à cause de la chaleur. Amis Français, réfléchissons bien aux conséquences de périodes à 50° et plus, mais sans climatisation, sans réfrigération de nourriture, sans infrastructures, sans communications, en raison de nos 67% d’électricité nucléaire et de nos 14% d’électricité hydraulique (chiffres Enedis 2024): nos productions énergétiques, industrielles ou agricoles, nos services, seront gravement impactés ou arrétés par de telles canicules.
Ailleurs, on déménage déjà des capitales et des mégapoles en prévision de la montée des eaux. On peint des rues, des routes et des toitures en blanc. On détourne des fleuves. Dans les esprits comme dans les porte-monnaies des participants aux COP, le « sauve-qui-peut » de l’adaptation commence à effacer les réflexions sur le long terme de l’atténuation. Tout ce qu’il ne faut pas faire pour préserver un avenir sans “mode survie”.
Viser les responsables du changement climatique
Le constat d’impuissance ou d’inutilité issu des COP souligne clairement que les dirigeants ne visent pas les véritables responsables du changement climatique: les débats et les demandes de résolution ont tendance à cibler prioritairement la production ou l’utilisation industrielle des ressources énergétiques et minières. C’est-à-dire la production de GES en amont.
Mais rares sont les résolutions qui ciblent la consommation, c’est-à-dire l’idéologie de la croissance, le moteur du capitalisme, le moteur de la consommation effrénée de ressources énergétiques, minières et naturelles.
Encore plus rares sont les résolutions qui ciblent les milieux économiques et financiers, ceux qui manipulent les individus par la publicité pour les transformer en consommateurs impulsifs et aveugles.
Encore plus rares sont les résolutions qui visent les vecteurs de consommation à outrance que sont les régies publicitaires Méta (maison-mère de Facebook, Instagram, Whatsapp, Messenger, etc…), Tik Tok ou Alphabet (maison-mère de Google, Android, Gmail, Youtube, etc…), les Amazon ou Alibaba, et tous les autres opérateurs du Marketing Technology Landscape.
Enfin, qui osera dénoncer, au sein d’une COP et au plus haut niveau de débat, la fuite en avant technologique liée à la robotique et à l’IA, génératrices d’un doublement, ou triplement de la consommation des ressources énergétiques et minières du numérique dans les prochaines années ?
Cibler la croissance
Tant que l’idéologie de la croissance sera l’objectif premier des dirigeants et de leurs populations, aucune COP ne sera en mesure de freiner la libération des gaz à effet de serre dans l’atmosphère. Militer pour le climat est donc plus que jamais militer pour un changement de paradigme, contre la culture de la croissance qui imprègne toute notre vie politique et notre vie publique. C’est ce que font les peuples autochtones lorsqu’on les accueille sur une COP, mais avec quels résultats ? Leur message est caricaturé, broyé par le système, broyé par les médias, qui d’ailleurs sont eux-mêmes de plus en plus dépendants de la publicité, ou appartenant à de grands groupes économiques et industriels.
Ne pas désespérer
Je suis conscient qu’un tel article génère un sentiment d’impuissance, d’amertume, éventuellement de désespoir, face à un monde qui s’effondre en pleine lumière sous nos yeux. Ne transformons pas ces sentiments en inaction, en violence ou en dépression. Nous pouvons réellement faire quelque chose, même dans cette période où le combat politique est en crise face à la montée globale des fascismes et des autocraties.
Si nous avons de moins en moins de prise sur les décisions macroscopiques, sauf à s’unir en protestant massivement dans les rues, nous avons toujours la possibilité d’agir au plus près de nous, à l’échelle locale, familiale, amicale, professionnelle, culturelle, d’impulser des zones de bien-vivre et de dialogue démocratique. C’est beaucoup plus facile, et bien plus gratifiant.
Du global au local
Le changement de paradigme auquel nous appelons, actuellement sans visibilité à l’échelle globale, peut se concrétiser autour de nous. C’est en montrant la vigueur et la validité de nos actions locales que nous associerons de plus en plus de gens autour de nos valeurs.



Commissions de Budget Participatif, Département de Dordogne-Périgord, 2019.


